Certaines bulles étaient si confortables qu'on les crut euphorisantes. Elles semblaient l'équivalent d'un luxueux studio de poche en haute montagne, d'une cabine de paquebot six étoiles voguant sur des mers huppées. Elles avaient un effet immédiat sur les problèmes de caractère. Soignant mélancolies et dépressions si bien que des chimistes sociologues psychiatres conçurent l'idée d'étendre leur utilisation à plusieurs cas désespérés.
On vit alors naître des bulles opacifiantes verdies dedans et dehors -une fumée d'eucalyptus - pour enfants asthmatiques. Soudain autorisés à courir, sauter, rebondir avec les autres en cour de récréation. Ainsi évitèrent-ils de devenir comme Proust: surprotégés à la maison.
Des bulles pourpres pour jeunes femmes chlorotiques ressemblant à Delphine Seyrig dans ' L'année dernière à Marienbad'. Sans force, sans mémoire, sans joues et sans mollets, sans goût pour la vie ni la mort, sans rire, sans larme, rien que la languide beauté des eaux calmes exténuées. Le rouge donnait à ces apparitions une apparence revigorée.
Des bulles bleu oxygène pour sidéens permettant d'attendre le jour où on aurait vraiment découvert le remède et le vaccin.
Et toutes ces bulles thérapeutiques jouaient un rôle majeur dans l'élévation du taux moyen du bonheur de leurs habitants mais aussi dans la baisse de leur taux de dépense en vêtements. Etant tièdes de l'intérieur, elles rendaient inutiles le port des pulls, doudounes, fourrures, jerseys-. Pour finir donc, les bulles jouaient un rôle dans la baisse du taux de morbidité. Et partant dans la fantastique élévation de la productivité -devenue elle-même source de revenus relativement moins imposables.
Extrait de " La guérison des planètes". 2013-2014.
arbre à bulles thérapeutiques poussant en haute montagne ou sur pont de paquebot